Si la musique constitue, viscéralement, la grande affaire de Solrey née Dominique Lemonnier, ce n’est jamais selon une vision étroite et figée de celle-ci. Bien au contraire, ses activités de violoniste, fondatrice du Traffic Quintet, puis vidéaste, directrice artistique et cheffe d’orchestre promeuvent toutes une vision élargie de la musique par son dialogue avec les arts visuels. Persuadée que « l’œil écoute et l’oreille voit », Solrey défend une nouvelle écriture scénique où la présence musicale – envisager la musique comme un personnage décisif de l’intrigue – occupe une place jusqu’à aujourd’hui peu expérimentée.
Enfant précoce née à Caen, elle donne ses premiers concerts à onze ans et joue en soliste dès l’âge de 14 ans avec l’Ensemble Instrumental de Normandie avec lequel elle donnera, jeune adolescente, de nombreux concerts. 1er prix de violon et musique de chambre au Conservatoire de Caen puis au CNR de Versailles, elle reçoit l’enseignement de maîtres tels Gabriel Bouillon, Pierre Doukan à Paris et Henri Temianka aux USA, participe à des séjours d’études à l’Accademia Chigiana de Sienne et à la Schola Cantorum de Bâle avec Jaap Schröder.
Solrey mène d’abord une carrière d’interprète au sein de formations de chambre et symphoniques prestigieuses (Orchestre philharmonique de Radio France, Ensemble Instrumental de Lausanne, California Chamber Orchestra, Ensemble Mosaïque, European Camerata…) et parallèlement s’initie aux musiques du monde comme la musique tzigane ou le tango avec le Quarteto Cedron, enregistre de nombreuses BO pour le cinéma et découvre auprès d’André Engel, Georges Lavaudant ou Jacques Bonnafé le monde du théâtre.
Parmi ces collaborations, la plus importante, durable et multiforme, en cours depuis les années 1990, est évidemment celle avec Alexandre Desplat. Dans un échange créatif permanent, ils travaillent ensemble sur ses musiques de films – dont elle est la corde sensible et l’initiatrice d’une écriture et d’une interprétation épurée pour les cordes au cinéma.
Indépendante, d’un esprit créatif et moderne, passionnée depuis son plus jeune âge par la famille des cordes elle crée en 2005 son ensemble Traffic quintet (Quatuor à cordes avec contrebasse) qu’elle dirige du violon et avec lequel elle associe musique et vidéos. Elle écrit et réalise quatre spectacles donnés en France, en Europe et aux États-Unis (Nouvelles vagues, 2005 ; Divine Féminin, 2009 ; Eldorado, 2011 ; Quai de Scènes, 2013). Solrey y met en scène des expériences visuelles et auditives inédites.
En 2010 sa vie bascule après une intervention au cerveau qui la prive de sa main gauche de violoniste. Solrey surmonte cette expérience traumatique et durant sa longue rééducation initie des collaborations avec le designer François Azambourg, le styliste Pier Paolo Piccioli, les plasticiens Vincent Beaurin, Jacques Monory, Ange Leccia et Xavier Veilhan et devient la directrice artistique et cheffe assistante d’Alexandre Desplat pour ses concerts et ses enregistrements symphoniques.
En 2016, elle écrit et réalise Alain Planès, l’infini turbulent, son premier documentaire, diffusé sur Arte Concert, consacré au pianiste avec lequel elle partage les mêmes passions pour la littérature, la peinture et les arts plastiques. Puis, toujours avec Alain Planès, À la recherche du son retrouvé, série consacrée aux Sonates de Beethoven sur pianos historiques de la Collection Giulini et enfin réalise l’intégrale de l’œuvre pour piano de Debussy à l’Auditorium de Radio France en 2017.
Elle cosigne le livret de l’opéra En Silence d’après Yasunari Kawabata sur une musique d’Alexandre Desplat et signe sa 1ere mise en scène avec ses vidéos. Création au Grand Théâtre du Luxembourg puis aux Bouffes du Nord en 2019 et en tournée au Japon en janvier 2020.
En mai 2020, elle est invitée à diriger l’Orchestre des Pays de Savoie, et en mars 2021 l’Orchestre de Chambre d’Auvergne.
Une vie où la musique s’écoule dans les méandres d’un grand fleuve
– Clement Dirié